Rian Liber est de retour pour une sixième et dernière nouvelle sur la ville de Montpellier. Il est question de grilles, de portes et de disparition …
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Assez chillé comme dirait la jeunesse « in » atrophiée du bulbe, gavée au coca et accro à fesse d’bouc. Il est temps de se ressaisir !
Pour cela, retournons en ville pour découvrir une aberration urbaine telle que les types qui ont pondu ça mériteraient d’être biflés en place publique jusqu’à ce que leurs mâchoires se disloquent, ou jusqu’à ce mort de honte s’ensuive. D’ailleurs, je pense me présenter à la prochaine élection municipale afin de réinstaurer le châtiment de la bifle pour tous les imbéciles dégénérés du fusible qui, chaque jour et chaque nuit – car oui, certains sont tellement abrutis qu’ils n’hésitent pas à évacuer leur trop plein d’âneries congénitales durant notre repos(1) – nous éclaboussent des étrons fumants de leurs conneries.
Bref, tu auras compris que le prochain lieu de la ville que je vais présenter me fait monter dans les tours à chaque fois que nous nous croisons. Pour saisir au mieux la situation, je t’enjoins à retourner face au Green Coffee(2).
Ulcère et compagnie
Tu y es ? Très bien.
En revanche si tu triches via GoogleMaps ou une autre carte interactive du même genre et bin… euh… bin ça me va. Enfin je m’en fiche assez, c’est ton problème si tu es une grosse feignasse. Ou loin de Montpellier. Ou coincé par la pluie ou une pinte de bière. Ou encore infirme. Fallait pas être handicapé. Pas de bras, pas de chocolat.
Bref (2 le retour !), prends à gauche, suis la ligne de tram remontant le faubourg de la Saunerie. Tu feras à peine 50m qu’elle apparaîtra sur ta droite, l’absurdité, l’anomalie, l’illogisme, la bévue. Une grille. Que dis-je, une double grille en fer forgé bloquant une ouverture entre deux blocs de bâtiments. Quelle idiotie ! Quel temps perdu à faire tout le tour du pâté de maisons pour rejoindre la rue Estelle alors qu’elle est à portée de crachat ! ARGH !!
Courte pause dû à un problème technique ulcéreux de l’auteur.
La rédaction vous propose en attendant un interlude musical :
Dogma + Rip Tear – Mike Gordon & id Software
À portée d’un foutu glaviot ! Combien de crises ai-je dû vivre devant ces grilles, combien d’écureuils sacrifiés afin d’apaiser mes démons, combien de peluches molestées dans le but de calmer les flammes de ma colère. Le pire dans tout ça, c’est que ce bout de rue inaccessible a un nom : la rue Sainte Marthe.
Pourquoi lui donner un nom si c’est pour l’enfermer et empêcher le passage à tous ? Les personnes responsables de cette irrégularité ont eu l’affront de nous pondre une porte à chaque grille, toutes deux constamment verrouillées bien sûr, sans compter les pointes acérées à leur sommet : c’est le pompon ! Pourquoi ? Pourquoi !?!
C’est RI-DI-CU-LE !
« Pierre ! Pierre ? Evidemment encore absent celui-là(3). »
Un beau jour, en pleine nuit, en rentrant chez moi après une soirée enivrante, grisé par la boisson, je laissai mes jambes m’emmener à mon sommier tandis que mes pensées flottaient dans les vapeurs éthyliques de mes houblonneux et liquoreux abus. En somme j’étais joyeux-youpi.
Mes pas me menèrent dans la rue Estelle devant la forfanterie urbaine susdite. De rage, je pris une malheureuse pierre, qui n’en demandait pas tant, pour la jeter non moins rageusement dans la rue condamnée. Je fus dégrisé sur l’instant en voyant la pierre disparaître derrière la première grille.
Stupéfait, je restai pantois face à cette incroyable bizarrerie. Elle s’était tout bonnement volatilisée, alors que mon jet, malgré les nombreux canons ingurgités dans la soirée, était assez puissant pour traverser les deux grilles et atterrir dans la rue de l’autre côté. De plus, ce caillou était suffisamment lourd pour marquer sa chute d’un bruit distinct dans le silence nocturne. Il n’en était rien.
Passée la surprise, je réitérai avec une canette de bière étrangement abandonnée dans ma main. Même résultat.
De peur d’être sujet à une hallucination, je fis le tour du bloc pour chercher mes projectiles. Rien. Plus aucune trace d’eux.
Plus tard dans la nuit, protégé par ma couette, j’essayais de trouver le sommeil mais ne pouvais m’empêcher de repenser à ma découverte, qui avait soulevé en moi de nombreuses interrogations. Je me tournais et me retournais sans cesse, l’esprit tourmenté par tout ce que cet événement pouvait impliquer. À la colère et la rage qui m’animaient à chaque fois que je voyais ou pensais à cet endroit se mêlaient maintenant une curiosité dévorante. Il me fallait des réponses, savoir de quoi il retournait, même si, imperceptiblement, et je ne m’en rendis compte qu’au fur et à mesure de mes recherches, une peur insidieuse s’emparait de moi.
Pour l’instant, la curiosité était la plus forte.
Investigation
Voici ce que j’ai pu trouver dans les jours suivants.
Après d’autres essais, je découvris que l’anomalie n’était présente que du côté de la rue Estelle. La confirmation est venue en jetant quelques objets à ma disposition depuis le faubourg : ils traversent les deux grilles pour finir sans plus de surprise sur le sol de la rue Estelle. De plus, j’ai pu déduire que la porte côté faubourg pouvait se déverrouiller en remarquant un scooter la passer assez régulièrement pour se garer dans la ruelle. Ce qui n’est pas le cas côté rue Estelle. J’ai vérifié.
Il est certain que la municipalité, voire l’État, est au courant, et je soupçonne aussi la CIA d’être de mèche avec ces derniers, car si vous ne l’avez pas déjà remarqué, sur GoogleMaps ou Mappy, la rue n’existe pas. Son nom n’apparaît pas. Au mieux, on aperçoit une ouverture, mais rien de plus. À croire que l’on veut cacher son existence …
Chaque objet jeté côté rue Estelle disparaît pour ne jamais réapparaître. Il n’y a pas de renvoi. J’ai essayé. Muni d’un caillou attaché à une cordelette, j’ai tenté l’expérience. À peine la pierre avait-elle disparu que la cordelette fut happée dans le vide, comme aspirée par un trou invisible, pour s’évanouir à son tour.
D’autres questions restent sans réponse, beaucoup d’autres.
Le Warp
Qu’y a-t-il de l’autre côté ? Le passage mène-t-il ailleurs sur Terre ou est-ce un passage vers un autre monde ? Une autre galaxie ? Une autre dimension ? Est ce qu’il y a une entité pensante de l’autre côté ? Si oui, a-t-elle trouvé mes cailloux, ma ficelle et ma canette ? Plus important encore, est-il possible d’y aller et d’en revenir ?
Je n’ai pas essayé.
Et je ne le conseille à personne. Qui sait, peut-être est-ce un portail menant droit dans les bras de créatures du Chaos, ou pire, directement dans les tentacules de Cthulhu.
Ce que je sais par contre, c’est que ma colère à la vue des grilles s’est évanouie, remplacée par une indicible peur qui me fait toujours garder un œil sur ce passage quand le hasard m’y mène. Peur qu’un jour des créatures hors de ce temps, de cette dimension, ne s’extirpent du portail afin de se repaître de notre chair et d’offrir nos âmes aux Grands Anciens.
Ph’nglui mglw’nafh Cthulhu R’Lyeh wgah’nagl fhtagn(4)
(1) J’appelle ça être un « âne-tambule ».
(2) Voir la nouvelle Les Pi’lié d’Bar.
(3) RRRrrrr !!!
(4) In his house at R’lyeh dead Cthulhu waits dreaming / Dans sa demeure de R’lyeh, le défunt Cthulhu attend en rêvant. Traduction par mes soins.
🖋 Auteur : Rian Liber
Hé psst ! Le 12 décembre prochain l’auteur sera au Gazette Café pour lire deux de ses nouvelles (le Monstre du Loch Crès et la Secte des Pilié ‘d’Bar) et juste après y’a un concert solo avec un mec bien déjanté au piano. Vas y si le coeur t’en dit !
🖍 Illustration : Jeff Delrieu (contact mail ici)
1 commentaire
Ô tristesse, Ô Shit !
C’est la der de der ? Je n’y crois pas . L’auteur nous laisserait ainsi , pantois, comme deux ronds de flan séchés par un jour entier derrière la vitrine chauffée à blanc au soleil de Montpellier ?
Mais non, j’ose croire de que non. Le pourvoyeur ne peux être aussi cruel en refusant une dose à l’addict que je suis des bonnes histoires fussent-elles courtes….Mais bonnes.
Pamphletix